jeudi 17 décembre 2009

Zapatero incarne-t-il le socialisme du 21ème siècle ?

Qu’est-ce que le socialisme ? Une idéologie dont la vocation serait avant tout de « faire rêver », comme me l’a confié un jour à l’occasion d’un entretien le trotskiste Alain Krivine, déplorant que le PS ne soit plus dans cette optique, ou une philosophie de l’action réformiste qui s’adapte tant bien que mal au monde qui nous entoure ?





En France, la question semble encore loin d’être définitivement tranchée, même si la pratique du pouvoir des socialistes est désormais depuis de nombreuses années résolument réformiste dans les faits. Les succès même relatifs des partis situés à la gauche du PS, du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon aux Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot en passant les Verts et une galaxie de partis alternatifs et trotskistes montrent bien qu’en France la vision même de ce qu’est ou devrait être le socialisme reste extrêmement plurielle.

Au sein même de la social-démocratie ou du socialisme dit réformiste, différentes conceptions de la politique peuvent coexister selon qu’elles mettent ou non l’accent en priorité sur les questions économiques et sociales. Il est fréquemment reproché au PS de s’éloigner de ses valeurs originelles en délaissant les questions économiques et sociales, sur lesquelles un consensus s’est souvent installé avec les partis de centre-droit, au profit de questions dites sociétales, allant du mariage homosexuel à l’euthanasie en passant par l’interdiction de fumer dans les lieux publics et l’encadrement de la chasse au gibier d’eau.

En Espagne, au-delà des questions de politique étrangère et de rapports entre l’Etat et les Communautés Autonomes, le bilan depuis 2004 du Président du Gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE, Parti Socialiste Ouvrier Espagnol)s’inscrit très clairement dans la tendance d’une social-démocratie que certains en France qualifieraient de « bobo à la sauce Delanoë », plus préoccupée de couloirs de bus pour jeunes cadres écolos que du pouvoir d’achat des milieux ouvriers de l’est parisien.

Dans un livre intitulé En voyageant avec ZP (Editions Debate, 2007), l’auteur, Javier Valenzuela, un ancien collaborateur de Zapatero à la Moncloa (siège du gouvernement espagnol), décrit le plus naturellement du monde et non sans une certaine fierté le bilan des premières années de présidence de ZP: « Sa politique réformiste a été de grande intensité. Beaucoup de choses ont changé en Espagne en peu de temps : les homosexuels peuvent se marier, les personnes dépendantes ont le droit de recevoir une aide publique, on ne peut plus fumer sur son lieu de travail, le permis de conduire à points réduit les morts dans les accidents de la route… » (page 18, version originale de l’ouvrage en espagnol).

La lecture ce jour même d’un journal gratuit distribué dans le métro de Madrid (Qué! n°1112 du mercredi 16 décembre 2009) confirme la tendance précédemment décrite. La une de ce quotidien est ainsi consacrée à l’événement politique du jour, le débat sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Et le journaliste Nacho Carretero de s’interroger en page 2 sur l’inflation législative qui toucherait actuellement l’Espagne sur tout type de sujet (le tabac, la consommation d’aliments gras au sein des écoles, l’utilisation du mobile au volant, le volume des IPOD, etc.).

Au-delà donc de tout jugement sur le bilan de la politique de Zapatero depuis son arrivée à la Moncloa en 2004, force est de constater que la quasi-totalité des réformes mises en œuvre sont soit de type sociétal (mariage gay par exemple), soit de type consensuel (le permis de conduire à points par exemple). S’il était encore nécessaire de s’en convaincre, l’autre grande actualité du moment en Espagne est le débat et prochain vote d’un projet de loi touchant à l’épineuse question dans la péninsule ibérique de l’avortement.

Cette gauche moderne incarnée notamment par José Luis Rodríguez Zapatero ne devrait-elle pas servir de modèle pour l’ensemble de la social-démocratie européenne ? La question est posée, dans un contexte où l’économie mondialisée et l’appartenance à l’Union européenne ne permettent pas la mise en place de politiques économiques et sociales radicalement différentes entre droite et gauche. Ce qui ne veut pas dire que ces questions ne doivent pas rester centrales au sein de la vie politique de chaque pays. Zapatero le sait plus que quiconque, confronté à un chômage en hausse qui atteindrait près de 20% de la population active…