mardi 17 novembre 2009

La routine des check-points

Extrait de mes carnets de voyage en Israël-Palestine : « Mardi 28 Juillet 2009, en fin de journée :



A Abu Dis, Waheed me permet d’attraper au vol le bus pour la porte de Damas à Jérusalem. C’est le même chauffeur que ce matin, un Palestinien entre deux âges au regard lumineux. Il me reconnaît tout de suite et nous échangeons. Une fois sorti d’Abu Dis, le bus arrive à un check-point israélien.





Une soldate israélienne fait signe à notre véhicule de se garer sur le côté. Un soldat de Tsahal, le revolver à la ceinture et la kalachnikov en bandoulière, monte dans le bus et commence par me demander si je suis Anglais. Je lui réponds que je suis Français et lui tends mon passeport, qu’il parcourt avec attention. A la vue de mes tampons marocains qui attestent de deux voyages au sein du royaume Chérifien, le militaire laisse exprimer sur son visage un air de quasi consternation et me rend froidement mon passeport. Je tiens toutefois à le remercier en hébreu afin de rester courtois. J’ai eu en réalité un traitement de faveur. Seul non Arabe dans le bus, tous les papiers d’identité des autres voyageurs sont collectés par le soldat, contrôlés à l’extérieur du bus et rendus quelques minutes plus tard après une sorte d’appel qui évoque celui des écoles. Je comprends que subir de tels contrôles quotidiennement soit ressenti comme humiliant et infernal par les personnes qui les subissent ».


jeudi 12 novembre 2009

La Première Guerre Mondiale est enterrée...

... enfin, le souvenir de cette guerre l'est tout au moins entre la France et l'Allemagne.



Je suis assez critique envers Nicolas Sarkozy et la politique intérieure qu'il mène pour ne pas reconnaître la grandeur du geste de ce matin : Angela Merkel, chancelière allemande, était à Paris pour la commémoration du 11 novembre 1918, commémoration de la victoire de la France sur l'Allemagne.



Nicolas Sarkozy a voulu, le dernier Poilu enterré, faire de cette commémoration de la victoire une célébration de l'amitié franco-allemande. Angela Merkel a accepté de venir et a parlé de cette amitié [franco-allemande] comme d'un cadeau.






Le geste a une valeur symbolique non négligeable. Certes, le 11 novembre est la commémoration de la Première Guerre mondiale, qui date de plus de 90 ans, et qu'aucun politicien actuel n'a connu. Il n'est pas encore arrivé le temps où les commémorations du 8 mai seront célébrées de la même façon, l'Histoire est encore trop proche. L'amitié franco-allemande est bien présente, mais la construction communautaire a des ratés. La liberté règne sur l'Europe, comme l'a rappelé A. Merkel, mais la tentation de se replier sur soi-même est forte chez ses habitants.


Alors, sans penser aux lendemains, disons juste que le symbole est beau.

mercredi 11 novembre 2009

La réforme du système de santé aux Etats-Unis

Le système de santé aux Etats-Unis est différent de celui de la France. Tout le monde n'est pas couvert, et même si vous avez un employeur qui vous propose de verser de l'argent sur votre 401(k) et pour une mutuelle, vous pouvez refuser et jouer plutôt dans Prends l'oseille et tire-toi.



Bref, je ne vais me livrer à une critique en règle, avec avantages et inconvénients, de la réforme proposée, mais juste vous livrer deux détails de cette merveilleuse réforme :


- la loi impose une taxe de 8% aux employeurs qui ne fournissent pas d'assurance-santé à leurs employés. Cette taxe sera moins chère à payer pour les employeurs d'employés avec des bas salaires, ce qui équivaut à interrompre la couverture santé des employés qui en sont bénéficiaires actuellement.


- la loi crée un nouveau "Health Choices Commissioner". Celui-ci pourra décider des services que votre assureur sera forcé de couvrir, et des services qu'il n'aura pas le droit de couvrir. Bref, ce Commissioner imposera les services que votre assureur devra fournir.



Je ne suis pas contre l'idée d'une réforme de la santé, mais une loi qui limite les services que l'assureur couvre, et qui incite les employeurs à payer une taxe plutôt que payer pour la santé de ses employés, est une loi qui n'a que mon mépris.

lundi 9 novembre 2009

Nouvelle plateforme, Même blog !

Pierre-Yves et moi avons décidé de continuer Double Regard, mais sur une autre plateforme.

Après Over-Blog, puis Typepad, nous sommes donc maintenant sur Blogger. Différentes raisons techniques nous ont poussés à changer. La ligne éditoriale de ce blog ne s'en trouvera pas modifiée.

La politique, la finance, l'environnement, la santé, les sujets de société en général, restent nos centres d'intérêts favoris.

Les chiens bleus pensent à leur réelection

[Publié le 8 novembre 2009]


La Chambre des Représentants (House of Representatives, l'équivalent de l'Assemblée Nationale en France), aux Etats-Unis, vient d'adopter une loi hier soir, baptisée Affordable Health Care for America. Cette loi est la première étape pour la réforme de la sécurité sociale aux Etats-Unis, voulue par le Président B. Obama.






Les lois, aux Etats-Unis, doivent émaner de la Chambre des Représentants ou du Sénat. La loi sur la Sécurité Sociale provient de la Chambre des Représentants, elle vient d'être adoptée à une courte majorité (220 contre 215) par la Chambre, hier soir. Elle doit maintenant être présentée devant le Sénat.



Le New York Times publie, sur son site Internet, une carte interactive qui donne, district par district, les votes des Représentants. On peut voir que 39 Démocrates et 176 Républicains ont voté Non à cette loi. Si le vote des Républicains n'est guère étonnant, on voit que les Démocrates, eux, ont été plus partagés. La plupart de ces Démocrates qui ont voté Non sont des élus du Midwest et du Deep South. Ces états sont en majorité républicains, ils étaient la terre d'élection de G.W. Bush, et les Représentants démocrates qui ont été élus dans ces endroits sont des Démocrates qui ont dû faire des concessions à l'idéologie républicaine. C'est-à-dire, par exemple, dans certains endroits, ces Démocrates sont soutenus par la NRA (National Rifle Association).



Ces Démocrates, qui sont bien à droite pour le camp démocrate, sont appelés des Blue Dogs, élus démocrates dans des districts républicains. Le mandat d'un Représentant étant très court (deux ans), celui-ci doit être à l'écoute de ses électeurs le plus possible pour avoir une chance d'être réélu. Voilà donc comment un Représentant respecte très peu la discipline de son parti, mais plutôt vote en fonction des idées de ses électeurs.


Et voilà comment un mandat représentatif se transforme en mandat impératif.

La valse des spéculations sur l’après Fillon : Anne-Marie Laroche-Verdun bientôt à Matignon ?

[Publié le 1er novembre 2009]


Le quotidien Le Monde s’interrogeait au cours des dernières semaines sur les noms des possibles successeurs de François Fillon à Matignon. Six ministres du gouvernement Fillon étaient cités comme premier-ministrables : Jean-Louis Borloo, Brice Hortefeux, Christine Lagarde, Eric Besson, Eric Woerth et Luc Chatel.


La premier d’entre eux, Jean-Louis Borloo, attend Matignon depuis déjà plusieurs années, et est pressenti à ce poste à chaque remaniement ministériel. Il était déjà question de Jean-Louis Borloo pour achever le quinquennat de Jacques Chirac, notamment après les turbulences vécues par Dominique de Villepin au moment des débats sur le CPE (Contrat Première Embauche) en 2006. Ministre d’Etat en charge d’un super-ministère créé au départ à l’attention d’Alain Juppé, Jean-Louis Borloo disposerait de sérieuses chances d’accéder à Matignon en cas de bon score des Verts aux élections régionales de 2010 ainsi qu’en cas de succès du prochain sommet de Copenhague. « L’atout vert » de Nicolas Sarkozy, jouissant d’une popularité de long terme auprès des Français, souffre cependant de la réputation (justifiée ou non ?) de ne pas être un bourreau de travail, ce qui pourrait s’avérer problématique à Matignon.





Brice Hortefeux, Ministre de l’Intérieur et meilleur ami du Président de la République, a pris successivement du galon au sein des différents gouvernements Fillon. Sa nomination à Matignon représenterait un virage à droite pour la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, comme un appel à la mobilisation de la base électorale de droite avant les échéances de 2012. Fragilisé par la polémique sur ses propos plus que douteux tenus à l’encontre d’un jeune militant UMP issu de l’immigration maghrébine, Brice Hortefeux a cependant réussi à rebondir, soutenu en cela par des « cautions anti-racistes » comme Fadela Amara ou Jack Lang, au gouvernement comme dans l’opposition.






Christine Lagarde, locataire de Bercy, a longtemps été donnée partante des différents gouvernements Fillon. Un véritable retournement de situation s’est opéré au cours des derniers mois en faveur de cette avocate parfaitement bilingue en anglais et disposant d’importants réseaux outre-Atlantique qui a débuté sa carrière politique au sein du gouvernement de Dominique de Villepin. Avec la nomination de Christine Lagarde à Matignon, une femme accèderait au poste de Premier Ministre pour la deuxième fois de l’histoire de France, avec des chances de succès a priori plus élevées que pour Edith Cresson.





Les médias ne parlent actuellement plus que de lui. En voulant lancer un débat sur l’identité nationale, le nouveau chouchou du Président de la République fait parler de lui en reprenant un des thèmes phares du sarkozysme. Un des symboles de l’ouverture à gauche, Eric Besson fait également parler de lui en raison de la sortie du livre de son ex-épouse, la géographe Sylvie Brunel, qui décrit dans Manuel de guérilla à l’usage des femmes l’homme qui se cache derrière ses habits de ministre de la République. Pressenti pour Matignon, Eric Besson désirerait en réalité dans un premier temps plus prudemment Bercy, qui correspond à son domaine d’expertise du temps où il était membre du Parti Socialiste. Un ministère clé avant de se positionner pour Matignon… en 2012.





L’autre locataire de Bercy, Eric Woerth, commence à faire pas mal parler de lui. Ne supportant pas d’être assimilé au « super expert-comptable » de la France, le par ailleurs Maire de Chantilly est apprécié de l’Elysée pour son sérieux et sa force de travail. Le bilan plutôt positif d’Eric Woerth à la tête d’un ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique peu aisé à gérer laisse présager d’une promotion de l’édile cantilien à de plus hautes fonctions. Reste à savoir lesquelles. Le ministère de la Justice auquel il avait été lors du dernier remaniement à un moment pressenti ? Ou bien Matignon ?





Luc Chatel incarne pour sa part une relative jeunesse et le renouvellement de la classe politique française. Ministre de l’Education Nationale et porte-parole du gouvernement, sa nomination à Matignon pourrait être perçue comme quelque peu précoce mais comme chacun sait maintenant grâce à l’érudit Ministre de la Relance : « La valeur des hommes n’attend point le nombre des années… ».





A côté de ces six noms présentés par Le Monde comme premier-ministrables, Double Regard a retenu sept autres noms de personnalités qui eux-aussi peuvent être considérés comme de potentiels successeurs de François Fillon :


Xavier Darcos : Le Ministre des Affaires Sociales était encore il y a peu fréquemment cité par la presse comme un candidat sérieux à la succession de François Fillon. Incarnant une droite à la fois décomplexée mais fidèle à une tradition sociale, Xavier Darcos représente une « force tranquille » ancrée dans le terroir de nature à rassurer l’électorat de droite tout en n’étant pas incompatible avec la poursuite de l’ouverture à gauche. De plus, dénoué d’ambitions présidentielles du fait de son âge certain, Xavier Darcos représenterait le profil idéal de Premier Ministre pour un Président de la République comme Nicolas Sarkozy.





Claude Guéant : Le Secrétaire Général de l’Elysée rêve de Matignon chaque matin en se rasant. Ce choix aurait une certaine cohérence compte-tenu du pouvoir gagné par l’Elysée aux dépends du gouvernement depuis 2007. D’un point de vue politique, ce choix serait extrêmement risqué, Claude Guéant étant à l’instar de Dominique de Villepin avant 2002 un homme de l’ombre qui n’a jamais connu le suffrage universel.





Xavier Bertrand : Longtemps annoncé comme le successeur de François Fillon à Matignon, ce bourreau de travail qui confesse ne dormir que cinq heures par nuit a perdu en visibilité médiatique depuis qu’il a quitté le gouvernement au profit du poste de Secrétaire Général de l’UMP. Un peu de patience, son heure à Matignon (et même plus haut…) viendra… Probablement en 2012, pour démarrer le deuxième quinquennat de Nicolas Sarkozy.




Dominique Strauss-Kahn : Même si cette hypothèse apparaît comme la plus improbable de toutes, elle a eu le mérite de circuler à plusieurs reprises dans les médias et dans le monde politique. Nicolas Sarkozy serait capable d’une telle nomination. Reste à en mesurer le bénéfice politique pour la majorité, et à convaincre le principal intéressé, qui conserve à ce jour toutes ses chances dans sa famille politique d’origine en vue de la présidentielle de 2012 et qui n’aurait par conséquent pas nécessairement intérêt à franchir le Rubicon pour rejoindre le rivage sarkozien. Pour le moment en tout cas…





Bruno Lemaire : Assez improbable pour le moment, cette hypothèse a toutefois été évoquée dans certains médias. Incarnant le renouvellement générationnel comme Luc Chatel, Bruno Lemaire a en plus pour lui l’avantage de représenter une prise de guerre de poids du côté de Dominique de Villepin dont il est l’ex directeur de Cabinet à Matignon. A l’heure où l’ancien Premier Ministre de Jacques Chirac vient avec talent de repartir dans l’arène politique avec en ligne de mire la présidentielle de 2012, une nomination de l’actuel Ministre de l’Agriculture au poste de Premier Ministre contribuerait à affaiblir Dominique de Villepin dans sa probable quête de l’Elysée.





Pierre Méhaignerie : Même si son heure semble passée pour Matignon, le recours à ce vétéran de la politique française démocrate chrétien rassurant et consensuel pourrait constituer un joker pour Nicolas Sarkozy en fonction des résultats des régionales du printemps 2010.




Anne-Marie Laroche-Verdun : Première maîtresse de Nicolas Sarkozy comme elle l’écrit dans un ouvrage intitulé J’ai été la première maîtresse de Sarkozy et inconnue du grand public jusqu’alors, Anne-Marie Laroche-Verdun pourrait comme l’immense majorité des citoyens français devenir Premier Ministre du jour au lendemain par la grâce de l’Elysée en toute légalité vis-à-vis de la Constitution française du 4 octobre 1958. Une véritable exception française parmi les démocraties occidentales. Une véritable anomalie également ?



Les enfants de Sderot

[Publié le 24 octobre 2009]



« Dimanche 26 Juillet 2009 au matin, campus universitaire de Sderot : Je suis intéressé de découvrir un campus universitaire israélien, a fortiori à Sderot (ou Sederot, selon les transcriptions). Après être allés à la bibliothèque, Kalanit et moi allons prendre un petit déjeuner dans le parc du campus. Nous passons devant un abri anti-missiles Qassam. « Tout habitant de Sderot doit pouvoir se rendre dans un abris anti-missiles dans un délai de quinze secondes maximum une fois entendu l’alerte », m’explique la jeune femme qui doit le lendemain se rendre dans le Golan dans le nord d’Israël pour passer deux mois dans un kibboutz à récolter des fruits. Autour du petit déjeuner, Kalanit m’évoque son service militaire dans la bande de Gaza, à l’époque où il y avait encore des colonies juives, évacuées depuis par l’ancien Premier Ministre Ariel Sharon. « J’occupais une fonction ennuyeuse mais stratégique de surveillance d’un lieu », m’explique t’elle. « Un seul instant d’inattention pouvait être fatal vis-à-vis d’un terroriste potentiel », continue-t-elle. Après avoir retrouvé son amie Neta originaire de Tel-Aviv (« le meilleur d’Israël », me dit-elle en me proposant d’être mon guide dans la métropole israélienne) en salle informatique et montage vidéo, je retourne dans le centre ville de Sderot pour découvrir la ville. Je me rends dans le centre, effectue plusieurs itinéraires dans la ville et dans sa périphérie. Les abris anti-missiles sont nombreux mais ne se ressemblent pas, beaucoup étant peints avec talent par des habitants de la ville. Dans le centre ville, un toboggan d’enfants évoque n’importe quel square public du monde. A la différence qu’un abri anti-missiles se situe à proximité immédiate de la sortie dudit toboggan.






D’après le quotidien de référence israélien Haaretz[1], un tiers des enfants de Sderot souffrait de troubles du stress post-traumatique en 2006. Plus d’un an plus tard, un article également publié dans le quotidien Haaretz[2] se fait le relai d’une étude réalisée par le centre israélien pour les victimes du terrorisme et de la guerre qui estime entre 74% et 94% le pourcentage d’enfants de 4 à 18 ans de Sderot atteints de troubles du stress post-traumatique. A quelques kilomètres de Sderot, les enfants de la bande de Gaza souffrent des mêmes pathologies comme en témoignent diverses études[3]. Je repense à la chanson de Maxime Le Forestier « Né quelque part » : « On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas non plus les trottoirs de Paris, de Manille ou d’Alger, pour apprendre à marcher… ». On ne choisit pas non plus les trottoirs de Sderot ou de Gaza pour apprendre à marcher… L’injustice pour les enfants est la même. Celle de ne pas avoir droit à une enfance sereine et insouciante, loin des problèmes des adultes et de leurs haines. Les causes des malheurs des enfants de Sderot et de Gaza sont par contre différentes, et au bout du compte, la vie à Sderot apparaît tout de même préférable… Même s’il a fallu attendre la mort d’un petit garçon dans la rue qui allait acheter un cadeau pour son papa pour qu’Israël commence à s’intéresser au sort de cette ville reculée aux confins de la bande de Gaza peuplée de migrants issus du Maroc et d’ex-URSS peu fortunés… Depuis, une mobilisation allant même au-delà des frontières de l’Etat hébreu a permis le financement de nombreux abris anti-missiles. Des plaques posées sur les abris indiquent les noms des bienfaiteurs de Sderot.







Je déjeune près du marché en plein centre ville et rentre en début d’après-midi chez Ilana, qui est de retour chez elle. Nous faisons connaissance ensemble, rapidement car la jeune femme déborde d’énergie et de choses à faire. Comme ses amies hier soir, elle pense que je suis journaliste pour avoir voulu me rendre à Sderot, « où il n’y a rien à voir ». Je ne suis pas journaliste, mais je viens un peu avec la démarche d’un journaliste, pour essayer de mieux comprendre une situation sans a priori particuliers. Ilana veut me faire rencontrer une femme qui reçoit tous les journalistes de passage à Sderot. Elle n’est pas sur place ce dimanche et ne le sera que mardi. Ilana promet de m’envoyer une documentation adressée aux journalistes sur la situation de Sderot, ce que j’accepte volontiers. Elle m’explique avant mon départ pour Jérusalem qu’il y a encore quelques semaines, l’alerte retentissait environ deux à trois fois par semaine. « Les missiles Qassam sont de taille modeste. N’importe qui peut aisément en fabriquer. Il faut vraiment se trouver pile dessous pour être tué par un tel missile. C’est déjà arrivé plusieurs fois, notamment à quelqu’un que je connaissais », m’explique-t-elle ».





[1] Eli Ashkenazi: Report: 33 percent of Sderot kids suffer post-traumatic stress, in Haaretz, 27 novembre 2006: http://www.haaretz.co.il/hasen/spages/792848.html

[2] Mijal Grinberg: Study: Majority of Sderot children exhibit symptoms of post-traumatic stress, in Haaretz, 18 janvier 2008: http://www.haaretz.co.il/hasen/spages/945457.html

[3] Voir notamment l’article Gaza children suffering from post-traumatic stress after war paru dans The Daily Star le 30 juin 2009: http://www.dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=10&categ_id=2&article_id=103617

Des ennemis de la paix ordinaire

[Publié le 22 octobre 2009]



Certaines rencontres avec de simples citoyens israéliens ou palestiniens montrent bien que la haine de l’autre est profonde, augurant difficilement d’une paix prochaine. Illustration avec deux extraits de mes carnets de voyage de juillet 2009 en Israël et en Cisjordanie :



« Vendredi 24 Juillet 2009 au matin, Jérusalem : Le lendemain, vendredi, quelques heures avant le début du shabbat, je prends place à bord d’un autobus de la compagnie Egged direction Eilat à l’extrême sud d’Israël.







Le trajet est sublime, permettant une première découverte des bords de la mer Morte et du désert du Néguev. Je me trouve au fond du bus, entouré de jeunes hommes israéliens turbulents incarnant une autre facette de la société israélienne que les quatre jeunes femmes de la nuit dernière. Une facette plus religieuse, plus conservatrice, et également plus populaire de la société israélienne. Leurs connaissances en anglais sont du niveau des miennes en hébreu, ce qui ne facilite pas la communication. Mes trois voisins de droite sont ostensiblement des Juifs très pratiquants et se montrent très sympathiques et pleins d’humour. Mon voisin de gauche (photo ci-dessus, à mes côtés dans le bus pour Eilat) fait preuve des mêmes qualités, avec un côté beaucoup plus rustre et inquiétant. Physique d’athlète, cuir chevelu dégarni, regard déterminé, mon voisin de gauche incarne à merveille l’homme des basses œuvres de Tsahal, l’armée israélienne. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, il s’en vante, fier d’avoir eu l’occasion en tant que soldat de se rendre à Gaza et de tirer sur des Palestiniens. Je lui parle du début de mon voyage et lui indique notamment que je me suis rendu à Bethléem. « Beth-le-hem » me répondit-il avec un air de dégoût en faisant mine de cracher par terre. Cet homme ne cache pas qu’il souhaiterait que les Palestiniens soient expulsés en Jordanie, cette Jordanie que nous n’avons cesse de voir depuis le bus puisque nous longeons quasiment la frontière, ou bien l’Egypte également voisine… Dans le même temps, mon compagnon de voyage me fait comprendre que s’il se rend dans un pays arabe, il est un homme mort. Œil pour œil, dent pour dent, ça n’est pas avec ce genre de personnes que la région progressera vers la paix. Je comprends mieux comment il y a pu avoir de graves bavures à Gaza quelques mois plus tôt quand je passe quelques heures avec ce genre de brute… Il serait encore tentant de parler de « beauf », bien moins sympathique que celui de Tel-Aviv, mais tout aussi inculte hormis pour me citer les clubs de foot français…


Pour que des bavures ou même des crimes de guerre interviennent au sein d’un territoire, point besoin d’une majorité de criminels. Une minorité agissante suffit. Si je peux rencontrer aussi facilement dans un bus israélien ce genre de brutes décomplexées, aucun doute sur le fait que Tsahal en compte tout de même un certain nombre… Pas la majorité j’en suis convaincu et la plupart de mes contacts avec des soldats israéliens furent excellents. Dans le bus, l’un d’entre eux est pressé par mes turbulents compagnons de voyage pour qu’il envoie son couvre-chef militaire afin que je l’arbore pendant que l’un d’entre eux me photographie. Il m’est même demandé de faire le salut militaire. Me voici l’espace de quelques instants un soldat de Tsahal en plein Néguev en route vers le sud… »




« Lundi 27 Juillet 2009, Jérusalem : Je sors donc dans le quartier musulman pour me restaurer.







Je retourne ensuite Via Dolorosa où je croise plusieurs chemins de croix chrétiens. Sur ma route, je croise un vieil homme Palestinien qui cherche à dialoguer avec moi. Nous parlons un bon moment. Il m’évoque sa naissance à Jérusalem, son exil aux Etats-Unis, la réussite de son fils imam aux USA, m’invitant à taper son nom dans google, puis m’interroge sur mon voyage. Je lui raconte succinctement le début de mon voyage en disant que je suis en Israël depuis mercredi dernier. « Israël ?!? » m’interrompit-il. « Vous voulez dire la Palestine !?! ». Je ne cherche pas à contrarier mon interlocuteur. Je suis ici pour comprendre, par pour juger ni prendre partie. Sur cette terre plus qu’ailleurs, le choix de chaque mot revêt une importance toute particulière. J’avais bien pris soin pour déjeuner de parler en arabe et non en hébreu face à mes interlocuteurs étant dans le quartier musulman. J’ai cette fois-ci « gaffé » mais ne tiens pas non plus à rentrer pleinement dans ce petit jeu malsain. Avec ce petit jeu là, les terroristes qui frappent Tel-Aviv, Haïfa ou Jérusalem sont des résistants en Cisjordanie et à Gaza. Mon interlocuteur espère en tout cas avec conviction, sans complexe et sans aucune hésitation qu’un jour la Palestine prendra sa revanche et qu’Israël n’existera plus. J’ai bien en tête que je ne suis pas là pour juger, je parle donc avec beaucoup de diplomatie avec cet homme mais n’en pense pas moins. Comme avec la grosse brute du bus pour Eilat fier d’avoir tiré sur des Palestiniens dans la bande de Gaza… »