lundi 9 novembre 2009

Les enfants de Sderot

[Publié le 24 octobre 2009]



« Dimanche 26 Juillet 2009 au matin, campus universitaire de Sderot : Je suis intéressé de découvrir un campus universitaire israélien, a fortiori à Sderot (ou Sederot, selon les transcriptions). Après être allés à la bibliothèque, Kalanit et moi allons prendre un petit déjeuner dans le parc du campus. Nous passons devant un abri anti-missiles Qassam. « Tout habitant de Sderot doit pouvoir se rendre dans un abris anti-missiles dans un délai de quinze secondes maximum une fois entendu l’alerte », m’explique la jeune femme qui doit le lendemain se rendre dans le Golan dans le nord d’Israël pour passer deux mois dans un kibboutz à récolter des fruits. Autour du petit déjeuner, Kalanit m’évoque son service militaire dans la bande de Gaza, à l’époque où il y avait encore des colonies juives, évacuées depuis par l’ancien Premier Ministre Ariel Sharon. « J’occupais une fonction ennuyeuse mais stratégique de surveillance d’un lieu », m’explique t’elle. « Un seul instant d’inattention pouvait être fatal vis-à-vis d’un terroriste potentiel », continue-t-elle. Après avoir retrouvé son amie Neta originaire de Tel-Aviv (« le meilleur d’Israël », me dit-elle en me proposant d’être mon guide dans la métropole israélienne) en salle informatique et montage vidéo, je retourne dans le centre ville de Sderot pour découvrir la ville. Je me rends dans le centre, effectue plusieurs itinéraires dans la ville et dans sa périphérie. Les abris anti-missiles sont nombreux mais ne se ressemblent pas, beaucoup étant peints avec talent par des habitants de la ville. Dans le centre ville, un toboggan d’enfants évoque n’importe quel square public du monde. A la différence qu’un abri anti-missiles se situe à proximité immédiate de la sortie dudit toboggan.






D’après le quotidien de référence israélien Haaretz[1], un tiers des enfants de Sderot souffrait de troubles du stress post-traumatique en 2006. Plus d’un an plus tard, un article également publié dans le quotidien Haaretz[2] se fait le relai d’une étude réalisée par le centre israélien pour les victimes du terrorisme et de la guerre qui estime entre 74% et 94% le pourcentage d’enfants de 4 à 18 ans de Sderot atteints de troubles du stress post-traumatique. A quelques kilomètres de Sderot, les enfants de la bande de Gaza souffrent des mêmes pathologies comme en témoignent diverses études[3]. Je repense à la chanson de Maxime Le Forestier « Né quelque part » : « On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas non plus les trottoirs de Paris, de Manille ou d’Alger, pour apprendre à marcher… ». On ne choisit pas non plus les trottoirs de Sderot ou de Gaza pour apprendre à marcher… L’injustice pour les enfants est la même. Celle de ne pas avoir droit à une enfance sereine et insouciante, loin des problèmes des adultes et de leurs haines. Les causes des malheurs des enfants de Sderot et de Gaza sont par contre différentes, et au bout du compte, la vie à Sderot apparaît tout de même préférable… Même s’il a fallu attendre la mort d’un petit garçon dans la rue qui allait acheter un cadeau pour son papa pour qu’Israël commence à s’intéresser au sort de cette ville reculée aux confins de la bande de Gaza peuplée de migrants issus du Maroc et d’ex-URSS peu fortunés… Depuis, une mobilisation allant même au-delà des frontières de l’Etat hébreu a permis le financement de nombreux abris anti-missiles. Des plaques posées sur les abris indiquent les noms des bienfaiteurs de Sderot.







Je déjeune près du marché en plein centre ville et rentre en début d’après-midi chez Ilana, qui est de retour chez elle. Nous faisons connaissance ensemble, rapidement car la jeune femme déborde d’énergie et de choses à faire. Comme ses amies hier soir, elle pense que je suis journaliste pour avoir voulu me rendre à Sderot, « où il n’y a rien à voir ». Je ne suis pas journaliste, mais je viens un peu avec la démarche d’un journaliste, pour essayer de mieux comprendre une situation sans a priori particuliers. Ilana veut me faire rencontrer une femme qui reçoit tous les journalistes de passage à Sderot. Elle n’est pas sur place ce dimanche et ne le sera que mardi. Ilana promet de m’envoyer une documentation adressée aux journalistes sur la situation de Sderot, ce que j’accepte volontiers. Elle m’explique avant mon départ pour Jérusalem qu’il y a encore quelques semaines, l’alerte retentissait environ deux à trois fois par semaine. « Les missiles Qassam sont de taille modeste. N’importe qui peut aisément en fabriquer. Il faut vraiment se trouver pile dessous pour être tué par un tel missile. C’est déjà arrivé plusieurs fois, notamment à quelqu’un que je connaissais », m’explique-t-elle ».





[1] Eli Ashkenazi: Report: 33 percent of Sderot kids suffer post-traumatic stress, in Haaretz, 27 novembre 2006: http://www.haaretz.co.il/hasen/spages/792848.html

[2] Mijal Grinberg: Study: Majority of Sderot children exhibit symptoms of post-traumatic stress, in Haaretz, 18 janvier 2008: http://www.haaretz.co.il/hasen/spages/945457.html

[3] Voir notamment l’article Gaza children suffering from post-traumatic stress after war paru dans The Daily Star le 30 juin 2009: http://www.dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=10&categ_id=2&article_id=103617

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