lundi 9 novembre 2009

Des ennemis de la paix ordinaire

[Publié le 22 octobre 2009]



Certaines rencontres avec de simples citoyens israéliens ou palestiniens montrent bien que la haine de l’autre est profonde, augurant difficilement d’une paix prochaine. Illustration avec deux extraits de mes carnets de voyage de juillet 2009 en Israël et en Cisjordanie :



« Vendredi 24 Juillet 2009 au matin, Jérusalem : Le lendemain, vendredi, quelques heures avant le début du shabbat, je prends place à bord d’un autobus de la compagnie Egged direction Eilat à l’extrême sud d’Israël.







Le trajet est sublime, permettant une première découverte des bords de la mer Morte et du désert du Néguev. Je me trouve au fond du bus, entouré de jeunes hommes israéliens turbulents incarnant une autre facette de la société israélienne que les quatre jeunes femmes de la nuit dernière. Une facette plus religieuse, plus conservatrice, et également plus populaire de la société israélienne. Leurs connaissances en anglais sont du niveau des miennes en hébreu, ce qui ne facilite pas la communication. Mes trois voisins de droite sont ostensiblement des Juifs très pratiquants et se montrent très sympathiques et pleins d’humour. Mon voisin de gauche (photo ci-dessus, à mes côtés dans le bus pour Eilat) fait preuve des mêmes qualités, avec un côté beaucoup plus rustre et inquiétant. Physique d’athlète, cuir chevelu dégarni, regard déterminé, mon voisin de gauche incarne à merveille l’homme des basses œuvres de Tsahal, l’armée israélienne. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, il s’en vante, fier d’avoir eu l’occasion en tant que soldat de se rendre à Gaza et de tirer sur des Palestiniens. Je lui parle du début de mon voyage et lui indique notamment que je me suis rendu à Bethléem. « Beth-le-hem » me répondit-il avec un air de dégoût en faisant mine de cracher par terre. Cet homme ne cache pas qu’il souhaiterait que les Palestiniens soient expulsés en Jordanie, cette Jordanie que nous n’avons cesse de voir depuis le bus puisque nous longeons quasiment la frontière, ou bien l’Egypte également voisine… Dans le même temps, mon compagnon de voyage me fait comprendre que s’il se rend dans un pays arabe, il est un homme mort. Œil pour œil, dent pour dent, ça n’est pas avec ce genre de personnes que la région progressera vers la paix. Je comprends mieux comment il y a pu avoir de graves bavures à Gaza quelques mois plus tôt quand je passe quelques heures avec ce genre de brute… Il serait encore tentant de parler de « beauf », bien moins sympathique que celui de Tel-Aviv, mais tout aussi inculte hormis pour me citer les clubs de foot français…


Pour que des bavures ou même des crimes de guerre interviennent au sein d’un territoire, point besoin d’une majorité de criminels. Une minorité agissante suffit. Si je peux rencontrer aussi facilement dans un bus israélien ce genre de brutes décomplexées, aucun doute sur le fait que Tsahal en compte tout de même un certain nombre… Pas la majorité j’en suis convaincu et la plupart de mes contacts avec des soldats israéliens furent excellents. Dans le bus, l’un d’entre eux est pressé par mes turbulents compagnons de voyage pour qu’il envoie son couvre-chef militaire afin que je l’arbore pendant que l’un d’entre eux me photographie. Il m’est même demandé de faire le salut militaire. Me voici l’espace de quelques instants un soldat de Tsahal en plein Néguev en route vers le sud… »




« Lundi 27 Juillet 2009, Jérusalem : Je sors donc dans le quartier musulman pour me restaurer.







Je retourne ensuite Via Dolorosa où je croise plusieurs chemins de croix chrétiens. Sur ma route, je croise un vieil homme Palestinien qui cherche à dialoguer avec moi. Nous parlons un bon moment. Il m’évoque sa naissance à Jérusalem, son exil aux Etats-Unis, la réussite de son fils imam aux USA, m’invitant à taper son nom dans google, puis m’interroge sur mon voyage. Je lui raconte succinctement le début de mon voyage en disant que je suis en Israël depuis mercredi dernier. « Israël ?!? » m’interrompit-il. « Vous voulez dire la Palestine !?! ». Je ne cherche pas à contrarier mon interlocuteur. Je suis ici pour comprendre, par pour juger ni prendre partie. Sur cette terre plus qu’ailleurs, le choix de chaque mot revêt une importance toute particulière. J’avais bien pris soin pour déjeuner de parler en arabe et non en hébreu face à mes interlocuteurs étant dans le quartier musulman. J’ai cette fois-ci « gaffé » mais ne tiens pas non plus à rentrer pleinement dans ce petit jeu malsain. Avec ce petit jeu là, les terroristes qui frappent Tel-Aviv, Haïfa ou Jérusalem sont des résistants en Cisjordanie et à Gaza. Mon interlocuteur espère en tout cas avec conviction, sans complexe et sans aucune hésitation qu’un jour la Palestine prendra sa revanche et qu’Israël n’existera plus. J’ai bien en tête que je ne suis pas là pour juger, je parle donc avec beaucoup de diplomatie avec cet homme mais n’en pense pas moins. Comme avec la grosse brute du bus pour Eilat fier d’avoir tiré sur des Palestiniens dans la bande de Gaza… »


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